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- Tbop -
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Messages : 1580 Enregistré le : 06/02/2008 20:51:37
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{ par Tbop
- le 03/01/2014 14:53:21 }
Bonjour,
Je suis en train de réviser un contrat avec une société de publication américaine. Bon ils sont venus avec une proposition de contrat et il y a plusieurs signes qui me montrent que c'est la première qu'ils en écrivent un (genre des ctrl+F qui ont formé des mots un peu bizarres). Entre autres tristes banalités du genre on-prend-tous-tes-droits-tu-n-existes-pas-et-tu-n-es-pas-le-createur que je vais prochainement discuter diplomatiquement il y a un point sur lequel je ne sais jamais si j'ai tort ou raison c'est celui des copyrights.
En effet les contrats américains établisent toujours à un moment que les copyrights sont vus au sens de la loi américaine. C'est un point qui me chifonne car selon moi en tant que français (bien qu'ayant mon officine en Allemagne et n'appartenant pas à la s a c e m) mes copyrights sont à moi... Et donc de toute façon français. Est-ce vrai ? Faut-il remplacer dans le futur dans tous ces contrats étrangers que les copyrights sont décrits au sens de la législation française et pas autrement ?
Merci beaucoup et bonne année tout le monde ! - Compositeur .org - Forum des Compositeurs : Musique et Composition
- YuHirà -
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Messages : 3609 Enregistré le : 25/06/2004 12:39:05
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{ par YuHirÃ
- le 03/01/2014 16:01:23 }
Les américains peuvent tout à fait imposer un contrat soumis à la loi américaine avec un Français sans que cela ne pose problème a priori (sauf quand il s'agit d'appliquer ce contrat sur le territoire français, voir ci-dessous). La nationalité d'une des parties ne signifie absolument pas l'application automatique de la loi nationale.
Pour ceux que les détails intéressent, je m'explique
Lorsque tu conclus un contrat avec un partenaire étranger, le contrat fait office de "loi" entre les parties. Pour qu'un juge puisse l'interpréter et reconnaître sa force obligatoire, il faut bien déterminer quelle est la loi applicable au contrat, puisque plusieurs lois étrangères peuvent se contredire. On entre alors dans des mécanismes complexes de conflit de loi.
En droit international privé français, on considère que les parties peuvent choisir la loi applicable à leur contrat à partir du moment où il y a un critère d'extranéité qui justifie le recours à cette loi (sachant que celui qui est position de force impose en général la loi qu'il préfère).
Dans ton cas, il y a au moins 3 critères d'extranéité:
- ton co-contractant est de nationalité américaine
- tu es de nationalité française
- ton officine est en Allemagne.
Vous pouvez donc choisir l'une de ces trois lois pour l'appliquer au contrat (tu peux même prévoir plusieurs lois en fonction des dispositions contractuelles). Que le juge soit français, allemand ou américain, il sera lié par cette loi et devra l'appliquer (ce n'est pas contradictoire avec le principe de l'application territoriale de la loi puisqu'elle même prévoit la possibilité d'appliquer une loi étrangère sur son territoire dans ce genre de cas).
Il existe néanmoins une exception notable à ce principe: les dispositions d'ordre public, qui varient en fonction des législations. Un juge peut - et doit - refuser d'appliquer une partie de la loi étrangère qui serait contraire à ces dispositions d'ordre public. Un juge français ne peut pas par exemple reconnaître et appliquer en France un contrat de distribution de cannabis conclu en vertu des lois du Colorado (pour rester dans l'actualité) puisque la vente de stupéfiant est encore pénalement répréhensible dans notre pays. Mais ce contrat reste valable dans tous les pays et états américains autorisant la vente de cannabis.
Dans le domaine du droit d'auteur, l'inaliénabilité et le respect du droit moral (affaire Huston, 1991) et la rémunération proportionnelle sont d'ordre public en France. Cela signifie donc que si un contrat américain est valable en France, les clauses prévoyant un buyout avec cession du droit de paternité sont réputés nulles, ce qui à mon avis suffit à annuler le contrat au regard du droit français, puisqu'il n'y a plus de "cause" à l'obligation du cessionnaire. La nationalité n'a rien à voir d'ailleurs là dedans: si un compositeur américain dénonce un contrat de buyout conclu avec un partenaire américain devant un juge français (parce qu'un autre critère permet de reconnaître la loi française, comme le lieu de contrefaçon, le lieu de conclusion du contrat, etc...), ce dernier doit refuser l'application de clauses contraires à ces dispositions d'ordre public. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans l'affaire Huston.
Ceci étant dit:
- ce contrat reste valable pleinement aux Etats-Unis. Un jugement n'a l'autorité de la force jugée que sur le territoire d'où émane le jugement.
- la dénonciation de ces clauses ne peut se faire qu'à partir du moment où il y a un procès et l'intervention d'un juge.
Pour être plus pragmatique, je pense pour ma part que compte tenu des intérêts en jeu, il est souvent préférable de ne pas trop insister et d'accepter en général la loi américaine, afin de ne pas pérenniser la méfiance dont nous faisons déjà l'objet en tant que Français. - Compositeur .org - Forum des Compositeurs : Musique et Composition
- Tbop -
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Messages : 1580 Enregistré le : 06/02/2008 20:51:37
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{ par Tbop
- le 03/01/2014 16:36:06 }
Merci pour ces explications Yuhira (et j'esperai éveiller ta curiosité avec ma question) c'est très clair.
Oui le contrat stipule bien que le tout est applicable par la législation d'un certain état des états-unis. Cependant on pourrait éventuellement prévoir que les précisions apportées quant aux lois en vigueur concernant les copyrights pourraient être remplacées par celles françaises n'est-ce pas ?
Un grand merci à toi en tout cas (et bonne année !) - Compositeur .org - Forum des Compositeurs : Musique et Composition