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   - edwe -
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    Masse et densité sonore

Message  { par edwe

Bonjour,

Comment traduire musicalement , sous forme de notes cet intitulé : Il semblerait que ce soit " Metastasis " , une composition de Iannis Xenakis qui s'applique à ce concept et que ses premières compositions instrumentales, soient à l’origine de sa théorie granulaire dans le domaine de la synthèse sonore....tout un programme . Si ça vous dit de développer le sujet....ça pourrait être intéressant ! :)

[mod]Message de modération : Pas de titre de sujet en majuscules svp ![/mod] 
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Message  { par grigou

L'idée de masse et densité sonore que tu évoques sous-entend forcément l'idée de texture, c'est-à-dire une accumulation de sons non segmentable.

Quand on écoute une oeuvre, on est souvent capable de segmenter que ce soit au niveau macroscopique ou microscopique : identifier la forme, les sections, les phrases, la mélodie, l'harmonie, le rythme, les contrepoints, l'instrumentation (qui joue pour simplifier), l'orchestration (qui joue quoi pour simplifier encore), etc.
En somme, lorsque l'on peut segmenter l'oeuvre, on est capable d'en identifier les composantes internes, et par extension, leur direction et les processus mis en oeuvre.

Une texture est par définition non segmentable, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible d'en identifier précisément les composantes. On peut prendre l'image du nuage qui en est une bonne illustration : on perçoit l'aspect global et non pas les détails.
Lorsqu'on écoute une oeuvre de Xenakis, du point de vue formel, on perçoit avant tout une énorme masse en mouvement qui évolue lentement de manière plus ou moins perceptible. Et c'est sûrement le plus gros écueil (à mon sens) de ce type d'oeuvre, car il est impossible de dégager la moindre forme. L'absence totale de repères harmoniques, mélodiques, rythmiques rend très difficile la perception des contrastes. Et les seuls réels contrastes existants dans ce type de musique sont au niveau du timbre, de la "polyphonie" (ce serait plus juste de parler d'épaisseur) et de l'intensité. Mais je ne crois pas que le timbre soit un repère suffisant pour rendre perceptible une direction formelle. Au mieux on dira : tiens au bout de 5 minutes, il y a plus d'aigus et la nuance est maintenant fortissimo, mais guère plus. Sans parler de la mémorisation, même si ce n'est pas le but recherché.

Plus concrètement, du point de vue musical, lorsqu'on écoute des oeuvres de Xenakis - et ceci est applicable également aux oeuvres issues de l'esthétique spectrale et plusieurs oeuvres de Ligeti comme le Lontano, même si les préoccupations esthétiques sont différentes de celles de Xenakis -, on perçoit avant tout la masse sonore qui nait de l'accumulation de toutes les voix, mais on est incapable de dire ce que je joue le violon 1 ou le trombone. L'important n'est pas tant ce que joue chaque instrumentiste, et prendre de manière isolée chaque partie n'a pas vraiment de sens. Seule la masse obtenue compte.
Et bien souvent, que ce soit dans la texture ou dans le geste, la note importe peu. Que le musicien joue un mi bémol ou un ré n'a pas d'incidence. Mais il ne faut pas dire cela à un compositeur spectral ! :lol: Vu qu'ils créent leurs masses sonores à partir d'agrégats qui par définition n'ont qu'une seule disposition possible. En effet, ils se basent sur l'analyse spectrale d'un son pour le reproduire musicalement (je simplifie beaucoup hein !), et le spectre d'un son est toujours le même du point de vue des harmoniques. Leur intensité peut varier, mais la note do aura toujours la même suite d'harmoniques par exemple.

Pour écrire des masses sonores, il faut penser à un niveau global, celui du timbre, et ne surtout pas penser à l'échelle des notes ou du musicien. C'est beaucoup de l'orchestration également. Il faut savoir comment combiner et agencer le timbre de chaque instrument pour obtenir le timbre final souhaité.

Comme en cuisine, on mange un plat, mais on ne sait pas toujours dire quelle quantité d'herbes ou d'épices il y a dedans. :lol:

Pour la théorie granulaire, on exploite un son qui sera fragmenté en une multitude de grains qui représentent chacun un fragment minuscule de ce son. Ce grain (équivalent de la particule d'eau dans le nuage) devient un matériau musical autonome qui peut être alors pensé, organisé et développé afin d'obtenir de nouveaux timbres complexes. 
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Message  { par edwe

...impressionnante et très intéressante analyse ! Merci beaucoup pour cet éclairage superbement bien rédigé ! :) Merci ! 
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